Liège, le renouveau

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Jeudi 13 octobre 2016

Un dossier de Benoît Franchimont, Le Soir Mag

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Il n’y a pas que des aciéries éteintes dans la ville mosane. Elle revit notamment grâce à ses nouveaux musées et lieux culturels, comme La Boverie et la Cité Miroir. De nouvelles sociétés tirent aussi la région vers le haut. Premier épisode de notre nouvelle série sur la Belgique qui gagne.

La Boverie

Sous les projecteurs depuis l’ouverture de l’exposition “21, rue La Boétie ”, qui présente les peintures de la collection du grand-père d’Anne Sinclair, le musée de La Boverie symbolise à lui seul le renouveau de Liège. L’occasion d’en savoir plus sur ce bâtiment historique, complètement ressuscité. Installé au milieu d’un parc très couru des Liégeois, sur l’île formée par la Meuse et sa dérivation, La Boverie n’est pas vraiment un nouveau musée: le superbe bâtiment existe depuis 1905. Construit à l’occasion de l’Exposition universelle, il est le témoignage d’une époque où la région de Liège était l’une des plus prospères d’Europe. Musée des Beaux-Arts tombé dans un état de décrépitude avancé, il a été complètement remis à neuf et doté d’une extension moderne, œuvre de l’architecte Rudy Ricciotti (le MuCem à Marseille et le département des Arts de l’Islam au Louvre, c’est lui aussi) et du cabinet liégeois d’architectes “p.HD ”. Cette nouvelle aile, vitrée, ouvre un paysage avec vue sur la Meuse. Les piliers en béton qui la soutiennent ont pris la forme de troncs d’arbre. «Ils rappellent les vrais arbres plantés le long de la Meuse. L’espacement entre eux est d’ailleurs exactement le même», nous fait remarquer Chloé Beaufays, en nous guidant dans le musée dont elle assure la promotion pour la Ville de Liège. Ce jour-là, une foule de personnes s’active, déballant et accrochant avec précaution les tableaux de l’expo “21, rue La Boétie ”. Mais il n’y a pas que des expositions temporaires comme celle-là à voir à La Boverie: ancien musée des Beaux-Arts, le musée abrite aussi des collections permanentes d’une richesse insoupçonnée. Pas moins de 300 œuvres sont exposées, choisies parmi les… 4.000 que Liège possède. Saviez-vous ainsi que la Ville de Liège est propriétaire de toiles célèbres de Picasso, Ensor, Gauguin, Monet, Chagall ou Ingres, par exemple ? Ou d’œuvres exceptionnelles de Lambert Lombard, peintre de la Renaissance (vous le connaissez: sa tête ornait les billets de 100 francs belges)? Pour mettre en valeur ces trésors, des travaux colossaux ont été entrepris, notamment le creusement de nouvelles salles dans les caves. Le résultat est magnifique. Et à la hauteur de l’investissement consenti: 27,6 millions d’euros au total ! La moitié de cette somme est venue d’aides européennes. « La Boverie n’est pas un élément isolé, mais fait partie d’un plan de redéploiement de Liège », poursuit Chloé Beaufays. « Une nouvelle passerelle relie le parc de la Boverie au quartier des Guillemins et à sa nouvelle gare Calatrava. Le musée est donc à quelques centaines de mètres d’une station TGV qui offre des connexions avec la France ou l’Allemagne. L’objectif est de renforcer l’attrait de Liège auprès des touristes. Nous ne serons jamais Bruges, mais Liège est déjà la première destination touristique de Wallonie. Et les grands centres culturels rénovés, comme La Boverie, le Grand Curtius, l’Opéra de Wallonie ou la Cité Miroir (lire plus loin, ndlr), sont des points d’attraction.» La Boverie est désormais associée au Musée du Louvre, avec le projet d’organiser une grande exposition par an en commun. Encore un gage de réussite pour le musée liégeois, qui ne désemplit pas depuis son ouverture en mai dernier.

Cité Miroir, au fond de la piscine

Si ce n’est déjà fait, l’autre espace culturel à découvrir d’urgence à Liège, c’est la Cité Miroir, inaugurée en 2014. À voir pour ses expos mais aussi pour le lieu, particulièrement surprenant et superbement rénové. La Cité Miroir a pris place dans une ancienne piscine communale, dont on a conservé l’âme. Un peu d’histoire d’abord. En 1936, la Ville de Liège lance la construction, entre le boulevard de la Sauvenière et la place Xavier Neujean, d’un complexe sportif, avec une piscine et des bains publics. Signe des temps, le bâtiment, de style Bauhaus, dispose aussi dans ses fondations d’un abri antiaérien pour 400 personnes. L’inauguration a lieu en pleine guerre, en 1942. La salle de sport est très courue. Et la piscine, olympique s’il vous plaît, ultramoderne. Des câbles tendus au-dessus du petit bassin permettent même de suspendre une cinquantaine d’apprentis-nageurs simultanément ! Plusieurs générations de jeunes Liégeois vont apprendre à nager là-bas. Mais, au fil des décennies, le site va mal vieillir. En 2000, il est fermé pour non-conformité aux règles de sécurité. En 2002, un projet de réhabilitation voit le jour sous l’impulsion de l’asbl Les Territoires de la Mémoire. Les travaux commencent en 2009 et vont durer jusqu’en 2014. Le budget global est conséquent (21,7 millions d’euros, dont 8 millions viennent aussi de l’Europe) mais le résultat magnifique. Complètement remise à neuf, la voûte qui surplombe la piscine est conservée. À l’origine en briques de verre du Val Saint-Lambert (qui ont fini par tomber…), elle est remplacée par une structure illuminée de leds. Les gradins de la piscine et une série d’escaliers sont préservés, rénovés, sécurisés. Le bassin principal est retiré. Et l’on creuse sous celui-ci pour superposer au final une salle de spectacle de 260 places et un espace d’exposition de la même surface que la piscine d’origine. Le Centre sportif de la Sauvenière a vécu, place à la nouvelle Cité Miroir ! Trois asbl y sont accueillies : Mnema, gestionnaire du lieu, Les Territoires de la Mémoire et le Centre d’Action Laïque de la Province de Liège. Le succès du lieu est immédiat. « Depuis l’inauguration en 2014, 230.000 personnes ont visité la Cité Miroir », nous explique Sophie Liégeois, responsable de la communication, en nous faisant découvrir les lieux. Deux expositions permanentes sont aujourd’hui hébergées sur place : “En lutte ” (sur l’histoire des luttes sociales) et “Plus jamais ça ” (sur le cheminement des déportés dans les camps nazis). La Cité Miroir s’est aussi fait connaître pour deux expositions d’envergure, “L’art dégénéré selon Hitler ” (50.000 visiteurs) l’an dernier et l’actuelle “Zoos humains ”. Cette dernière expo (ouverte jusqu’au 23 décembre) a été créée au quai Branly à Paris, sous le parrainage du footballeur français Lilian Thuram, dont le combat contre le racisme est bien connu. “Zoos humains ” dénonce notamment comment les expositions coloniales ou universelles des deux siècles passés (par exemple à Anvers en 1930 et à Bruxelles en 1958) mettaient en scène des “sauvages ”, devenant le vecteur d’un racisme ordinaire. La Cité Miroir a d’autres projets dans ses cartons, notamment celui d’utiliser à terme l’espace de l’abri antiaérien dans les sous-sols. Nous l’avons vu : derrière une lourde porte de fer, on découvre un lieu étonnant, humide et sombre, une juxtaposition de dômes de béton, communiquant entre eux. Ambiance insolite et étrange, l’histoire en plus.

Cefaly, un succès sans prise de tête

Les Liégeois ont des idées qui marchent. La preuve avec Cefaly Technology, qui a révolutionné le traitement de la migraine et vend son appareil dans le monde entier.

Plus de 100.000 personnes dans le monde utilisent déjà cet accessoire médical made in Liège : le Cefaly. Il s’agit d’un petit dispositif à se mettre sur le front et qui traite la migraine par neurostimulation. En très simplifié, un signal électrique court-circuite la douleur! Le système marche chez 80% des patients, qui peuvent se passer de médicaments. Une révolution pour lutter contre ce mal qui rend la vie épouvantable à bien des gens. Après des tests médicaux concluants et un agrément de la FDA, l’entreprise liégeoise Cefaly Technology, fondée en 2004, s’attaque avec succès depuis 2014 au marché américain. Et les résultats décollent, avec des croissances annuelles à deux chiffres. Docteur en médecine, le fondateur de Cefaly Technology, Pierre Rigaux, a d’abord travaillé en milieu hospitalier et dans le domaine du sport, avant d’être recruté par l’industrie médicale. Spécialiste de la neuromodulation, il a lancé son propre projet en 2004. «J’avais compris qu’il était possible de mettre au point des appareils de traitement portables. Toute la recherche a été menée à Liège. En 2005, j’ai trouvé un associé et des soutiens financiers. En 2008, le premier appareil Cefaly était sur le marché», nous raconte-t-il. La société a mis beaucoup de temps et d’énergie dans l’homologation de son invention, pour prouver son efficacité et pouvoir la commercialiser aux États-Unis, marché de référence. «Aujourd’hui, 75% des ventes sont réalisées par internet. Le client est livré directement chez lui. Et les 25% restants se passent dans les points de vente, comme les pharmacies, hôpitaux ou magasins de matériel médical», explique le Dr Rigaux. La société était à l’équilibre dès 2010 et, sur les 5 dernières années, elle a connu une croissance de 42%! L’an dernier, avec un chiffre d’affaires de 5 millions, Cefaly Technology a dégagé 1,2 million de résultat. Elle n’a plus besoin de financement extérieur. «Nous ne sommes plus une start-up, mais nous restons une jeune entreprise, avec un marché à créer», poursuit Pierre Rigaux. Cefaly Technology emploie une vingtaine de personnes sur son site de Grâce-Hollogne et va déménager en 2017 au Sart Tilman, dans un nouveau centre de recherche et de développement qui devrait accueillir 50 employés. Fait remarquable: tous les appareils sont fabriqués en Belgique, avec des composants électroniques liégeois, des boîtiers liégeois, assemblés à Bastogne. Pas question pour Pierre Rigaux de délocaliser en Chine! Sa société travaille désormais sur d’autres appareils révolutionnaires, qui traiteront l’épilepsie ou la fibromialgie. Et, avant fin 2017, Cefaly Technology devrait présenter un dispositif innovant dans le traitement du coma en hôpital: un stimulateur capable de relever le niveau de conscience des patients. Épatant!

Petits poissons deviendront grands : deux exemples de start-up

À côté des mastodontes de l’économie liégeoise (les trois premiers en chiffre d’affaires dans la région sont Lampiris, TNT Airways et Prayon), des dizaines d’autres sociétés bien plus petites constituent aujourd’hui le tissu économique de la ville mosane et de ses environs. Et ça bouillonne d’idées. Nous avons choisi de mettre ici en avant deux micro-entreprises qui viennent de naître. Les deux firmes ont à peine quelques semaines d’existence, à peine plus d’employés, mais leurs promoteurs ont des projets d’expansion plein la tête. Un point commun à ces deux start-up liégeoises: la nourriture, sans doute une valeur sûre des projets commerciaux! Bref, voici deux petits poissons amenés à devenir grands. C’est en tout cas ce qu’on leur souhaite.

Homi, par ici les plats sains

Le concept de Homi a germé dans la tête de trois jeunes Liégeois qui fréquentaient la même salle de fitness: mettre au point un système de préparation et de livraison de plats tout prêts à manger mais à mille lieues d’une pizza quatre fromages. On parle ici de repas sains, garantis sans sucres ajoutés, sans gluten, sans lactose et sans conservateurs. Homi s’appuie sur un concept à la mode chez les sportifs: la nourriture paléo, inspirée de ce que mangeaient nos ancêtres du paléolithique, bref une nourriture non transformée. «Parlez plutôt de nourriture saine et équilibrée plutôt que de paléo», cadre Jonathan Pirastu, sorti de HEC, l’un des fondateurs de Homi, qui nous reçoit dans un modeste bureau installé à un jet de ballon du stade du Standard de Liège. «Le paléo n’est pas connu du grand public. Ceux qui ignorent ce que c’est vont penser qu’on ne livre que de la viande crue! C’est faux, bien sûr. Note projet est basé avant tout sur une nourriture saine et équilibrée, avec des plats nourrissants et classiques. Toutes les recettes ont été réalisées en collaboration avec le diététicien Damien Pauquet, nutritionniste du Standard de Liège, une référence dans le sport. Sur notre carte, nous avons du bœuf, du saumon, des scampis, etc. Tout pour une alimentation complète et équilibrée.» Sans aide publique aucune, les jeunes Liégeois ont mis la société en place et débuté les livraisons le 5 septembre dernier. Ça marche? «C’est la course! Je ne préfère pas trop regarder les chiffres de vente pour l’instant. On se lance! L’important est que nos clients soient satisfaits du service, reviennent, en parlent autour d’eux.» Pour le moment, les livraisons ne se font qu’à Liège, deux fois par semaine, dans différents points d’enlèvement, surtout des salles de sport où Homi a placé un frigo dédié. «Vous commandez en ligne, les plats sont réalisés par un cuisinier professionnel puis livrés dans les points d’enlèvement», résume Jonathan. On peut aussi venir chercher son plat au siège de la société. L’objectif à terme? «Livrer directement au domicile des clients, mais aussi avoir davantage de points de vente», explique encore le patron débutant. L’adresse internet pour en savoir plus: www.homifood.be/

Why Not Bio: du bio directement chez vous

La livraison à domicile, c’est déjà une réalité chez Why Not bio, une toute jeune entreprise (active depuis la mi-septembre!), installée à Flémalle et qui mise tout sur le développement de la conscience bio des consommateurs. «L’idée vient d’un agriculteur bio, qui développe une ferme modèle dans ce secteur, mais voulait aussi mettre en place un système de livraison à domicile performant. J’ai pris le projet en main, avec l’ambition de créer quelque chose qui ressemblerait au Zalando du bio!», raconte Daniel De Laveleye, passionné et passionnant administrateur de Why Not Bio. L’homme a un parcours atypique: ancien avocat et bourgmestre, le quadragénaire a pris un virage à 180 degrés pour développer aujourd’hui cette entreprise, qui dispose déjà d’un entrepôt de 400 m2 dans le zoning des Cahottes. «Mais il n’y a encore que 4 ou 5 employés, c’est le début!», explique Daniel. Why Not Bio s’approvisionne directement chez les producteurs bio, les plus proches de Liège si possible, en tentant d’éviter au maximum les grossistes, qui mettent la main sur le business, nous dit-on. On trouve de tout chez Why Not Bio: de l’alimentation, évidemment (fruits, légumes, fromages ou encore une remarquable cave à vins bio), mais aussi des produits d’entretien. Les commandes sont passées en ligne et livrées à domicile (ou au bureau) dans les trios jours ouvrables. Véhicules verts et (prochainement) vélos-cargos servent à ces livraisons. Pour l’instant, Why Not Bio ne couvre que le grand Liège, mais l’ambition est d’élargir rapidement le service à d’autres régions. Débuts prometteurs? «Oui! On a notamment plusieurs écoles qui s’approvisionnent chez nous, ça démarre bien!», termine Daniel De Laveleye, confiant. L’adresse internet pour en savoir plus: www.whynotbio.be

Boverie Economie

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