J'ai été interpellé ce lundi de Conseil par par le collectif "Liège sans pub" au sujet du marché conclu par la Ville avec JC Decaux concernant le mobilier urbain. Vous trouverez ci-dessous la réponse que j'ai adressée au collectif.
Chère Madame,
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour cette interpellation que vous avez déposée au nom du Collectif « Liège sans pub », dont je salue les membres présents dans la salle.
Je vais répondre à l’interpellation initiale que vous avez transmise, mais aussi au communiqué que le Collectif a publié aujourd’hui sur son site.
Tout d’abord, en ce qui concerne le calendrier et la décision prise par le Collège mercredi, elle ne doit pas être prise comme une volonté de couper court à la mobilisation et au débat mais il y a deux arguments que je souhaite vous exposer :
Elle permet au Collège de s’exprimer librement, sans exposer le dossier aux recours.
Nous ne voulions pas reproduire le scénario du dernier conseil communal où, faute de décision du Collège, M. HUPKENS n’avait pu prendre de position dans le dossier des cinémas à la Médiacité.
Deuxième élément, vous n’ignorez pas que nous sommes sous plan de gestion, et que nous fournissons déjà des efforts importants pour répondre aux exigences du Centre régional d’aide aux communes.
Ce plan de gestion sera soumis au Conseil du mois de juin, ce qui explique aussi la raison pour laquelle le Collège devait attribuer le marché. Dans ce contexte, une telle somme est non négligeable, au regard notamment de la problématique des pensions qui pèse à elle seule 25 millions d'euros par an.
Je tiens vraiment – et j’insiste – à saluer la mobilisation et à tendre la main vers celle-ci : le dossier n’est pas clos pendant 15 ans.
Il y a une tendance qui est en marche, et qui est irrémédiable : 10% de diminution immédiatement, 18% à l’horizon du tram.
Et plus encore via les décisions « individuelles » que le Collège prendra vis-à-vis des demandes de permis qui arriveront sur notre table pour toute demande de panneaux publicitaires.
Je propose aussi que nous travaillions ensemble sur l’implantation de ces panneaux, de manière à éviter qu’ils ne portent atteinte à la sécurité des usagers, comme vous le suggérez.
En d’autres mots, là où votre collectif demande une suppression immédiate – et brutale – de la publicité dans l’espace public, le Collège a choisi la voie du « phasing out », pour des raisons que je vais développer.
Tout d’abord, je tiens à dire que je partage votre envie de libérer l’espace public de la publicité. Nous ne sommes pas favorables à tous ces messages envahissants.
Il faut cependant bien être conscient que, même si les pouvoirs publics s'y opposent, cette publicité est omniprésente et sa suppression totale ne viendra pas du renoncement de la Ville à attribuer son marché.
Dans votre communiqué publié aujourd’hui, vous avez d’ailleurs pris une photo devant la gare des Guillemins : là-bas, c’est la SNCB qui a attribué un marché à la société Clearchanel. Ces panneaux resteront présents, même si le Collège n’avait pas attribué le marché mercredi dernier.
Face à constat, le Collège a fait le choix de la responsabilité, car nous sommes chargés de gérer la Ville dans son entièreté, avec ses 3000 agents et les familles qui en dépendent, avec ses centaines de places de crèches, avec ses dispositifs sociaux qui travaillent jours et nuits pour les plus démunis,…
Dans la situation budgétaire complexe qie vous ai décrite, tous ces services doivent être financés.
Et la question est de savoir comment le faire. Beaucoup de ces services sont des services de centralités. Est-ce que ce sont les 200.000 Liégeois qui doivent financer à eux seuls ces services qui bénéficient à tout l’arrondissement ?
Est-ce d’ailleurs aux seuls habitants de financer des services tels que la propreté, la sécurité, la mobilité, qui attirent les entreprises et donc des emplois ?
Ou faut-il, au contraire, dans une optique de justice fiscale, faire contribuer le secteur économique et, en l’occurrence, le secteur publicitaire qui génère beaucoup de bénéfices ?
Avec ce marché, les finances communales vont bénéficier de 50 millions d’euros sur la durée du marché, dont 5 millions d’euros par an pendant les 5 années à venir.
5 millions d’euros, cela représente par exemple :
- Le salaire de 100 agents, et donc de 100 familles ;
- 1/5e de la dotation au CPAS ;
- Le passage de la taxe urbaine de 140 € à 200 € ;
- Le passage du taux d’additionnel aux personnes physiques de 8% à 8,5%.
Croyez-moi, ce ne sont pas des sommes qui se retrouvent facilement, sans faire de casse dans les services publics ni sans faire mal au portefeuille de la population.
Et c’est en cela que je me permettrai de comparer notre situation à celle de Grenoble. Grenoble a renoncé à attribuer le marché des panneaux publicitaires uniquement. Pas ceux présents sur les abris des transports en commun : ceux-là sont gérés par la communauté d’agglomération.
C’est une différence fondamentale puisque Grenoble s’est privée d’une recette variant, d’après ce que j’ai pu lire, entre 150.000 et 645.000 € par an.
Soit entre 10 et 30 fois moins que la recette que nous percevrons, pour une population de 160.000 habitants, inférieure à celle de Liège.
Il est clair que si nous avions été confrontés à une somme située entre 150.000 et 645.000€ , le Collège aurait pu adopter une position différente.
Je viens à présent aux autres arguments que vous développez.
Le premier est le soutien aux petites structures qui n’ont pas accès au réseau Decaux.
Nous les soutenons d’une autre manière : nous soutenons activement la monnaie locale « le valeureux ». Nous avons créé le marché « court-circuit », qui permet aux petits exploitants d’écouler leurs produits. Nous louons des surfaces commerciales, avec l'aide de la Région, à des loyers abordables aux petits indépendants. Il y a également d'autres initiatives que nous soutenons.
Ils ne sont donc pas oubliés.
Vous évoquez également la diminution des plans de ville et des dispositifs d’affichage communal.
En ce qui concerne les plans, ceux-ci sont devenu obsolètes : la grande majorité des touristes utilisent leurs smartphones, et nous développons d’ailleurs des applications dans ce sens.
En ce qui concerne les dispositifs d’affichage communal, il y en aura effectivement moins, mais leur diminution est compensée par les écrans lumineux : ceux-ci vont être utilisés pour diffuser en temps réels des informations d’utilité publique. Pensons par exemple à des messages de prévention lors de journées de forte chaleur comme aujourd’hui.
Si bien que la visibilité des informations publics sera renforcée.
En conclusion, je tiens à répéter que votre message a été entendu par le Collège, et que nous avons déjà intégré une partie de ce message en tenant compte de la globalité de la Ville, qui se prête difficilement à des options radicales, sauf à en faire payer le prix à la population.
En faisant le choix de la réduction progressive de la publicité, nous nous inscrivons dans la dynamique des Villes résilientes, comme l’a récemment fait la Ville de Paris, qui a reconduit son marché en diminuant de 30% son volume d’affichage.
Notre action ne se limite pas à ce dossier, je peux vous assurer de notre totale détermination à inscrire Liège dans la voie de la transition sociale et environnementale.
Dans la position qui est la mienne, lorsque je fais la balance des intérêts entre la mise à mal des finances communales et les conséquences dramatiques pour la qualité des services publics ainsi que pour des dizaines de travailleurs, et un marché, certes imparfait mais qui rapporte des montants considérables pour assurer les missions qui sont les nôtres, je pense que le Collège a pris la décision qui s'imposait.
Je vous remercie et vous rend la parole pour une réplique de 2 minutes.