Carte blanche de Willy Demeyer: Détresse sur l'espace public à Liège

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Vendredi 15 mars 2019

La Ville de Liège n’abandonne pas les personnes en situations de grande détresse physique sur l’espace public. Mais entre la liberté individuelle et le cadre légal, l’action publique est extrêmement limitée.

Carte blanche de Willy Demeyer – Bourgmestre de Liège

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Liège est une ville solidaire et généreuse. Les Liégeoises et les Liégeois ont toujours eu à cœur d’apporter leur soutien et leur solidarité aux personnes en situation de vulnérabilité.

Depuis ce matin, l'image de la Ville de Liège est gravement mise en cause suite à un post facebook relatant l'état inquiétant d'une personne en chaise roulante sur l'espace public.

Face aux nombreuses réactions et demandes d’interventions émanant des citoyens relatives à des personnes en situation de grande détresse, notamment physique sur l’espace public, je souhaite ouvrir un débat et y apporter les éléments suivants.

La Ville de Liège, son Centre Public d’Aide Sociale et leurs partenaires sociaux publics et privés ont développé de nombreuses actions pour permettre aux personnes précarisées d’avoir accès à différents services couvrant les besoins de base.

Ce travail de première ligne comprend des abris de nuit, l’accès à des repas et/ou des collations, des lieux permettant les services d’hygiène et de soins : douches, lave-linge, petits traumas ainsi que la possibilité de trouver des vêtements à petits prix.

Du travail social de rue est également effectué quotidiennement afin d’aller à la rencontre de ces personnes.

Malgré l’ensemble de ces dispositifs et les moyens humains et financiers qui y sont consacrés, une partie de ce public refuse parfois toute forme d’intervention, ce qui empêche l’Autorité publique d’intervenir, hormis en cas d’infraction constatée par les services de police.

La Ville de Liège et ses partenaires sont démunis face à ces situations qui mêlent détresse physique, sociale et/ou mentale qui s’expriment ouvertement sur l’espace public.

Le cas plus précis de M. qui se trouve en chaise roulante dans un état physique suscitant les plus vives inquiétudes, m’interpellent tout autant que les nombreux citoyens qui, depuis plusieurs mois, ne comprennent pas la situation.

Ce Monsieur est bien connu de tous les services : service d’aide et de soins, hôpitaux, police, Parquet.

Il souffre depuis de nombreux mois de plaies purulentes aux jambes, d’incontinence et est désormais incapable de se déplacer sans son fauteuil roulant ni même de relever son pantalon.

Je suis constamment interpellé par les citoyens, les services de police, les acteurs de terrain concernant ce cas.

En juillet dernier, j’ai interpellé publiquement le Parquet et les hôpitaux sur cette situation.

Le 14 février dernier, j’ai moi-même convoqué une réunion à l’Hôtel de ville les représentants du Parquet, des hôpitaux et de la Police pour faire une nouvelle fois le point sur le dossier et trouver des solutions concrètes au cas de Michel et quelques autres personnes qui sont dans un état physique et mental inquiétant.

Selon l’art2 de la loi du 26 juin 1990, il faut réunir les 3 conditions suivantes pour qu’il puisse y avoir une mise en observation sous contrainte :

  • une maladie mentale reconnue par le corps médical, 
  • un danger pour la personne elle-même ou  qu’elle constitue une menace grave pour autrui
  • un refus de soin.
     

Les psychiatres m’expliquent que la dépendance ne constitue pas une maladie mentale mais est une maladie du système nerveux central.

Le Parquet pour sa part, considère qu’il n’est pas habilité à juger de l’état médical d’une personne et que dès lors, il s’en remet systématiquement à l’avis médical.

Dans le cas de M. cette mise en observation a été sollicitée à de nombreuses reprises et n’a jamais donné lieu à un avis médical rencontrant les 3 conditions requises par la Loi de 1990.

Selon le rapport de police qui m’a été fourni, ce Monsieur est connu des services depuis 1997. Depuis cette date, il a fait l’objet de 965 fiches d’information (intervention : appeler le 112, lui conseiller de se faire soigner,.. à ne pas confondre avec des infractions).

Entre le 1er janvier 2019 et le 27 février 2019, la Police a rédigé 52 fiches d’information ! A 4 reprises seulement, Monsieur B. a accepté d’être pris en charge médicalement. A chaque fois, il a signé une décharge et quitté l’hôpital après quelques heures ou quelques jours.

En désespoir de cause, dans le cadre des missions de police administrative, je prends une fois de plus mes responsabilités et j’ai donc entrepris une démarche auprès de la Justice de Paix pour le faire placer sous administration de bien. L’audience est fixée au mardi 2 avril 2019.

Les citoyens sont tout aussi interpellés que moi par ces situations de détresse et ne comprennent pas pourquoi « l’autorité » n’agit pas donnant ainsi un sentiment de ne pas respecter les personnes les plus vulnérables, ce qui met à mal la cohésion sociale de notre ville.

Ces situations extrêmes concernent actuellement à Liège 4 personnes dont celle de M. pour qui le processus vital semble engagé.

L’ensemble des interventions multi-sectorielles légalement possibles ayant été réalisées depuis de nombreux mois autour du cas de cette personne et ce, sans résultat, je souhaite mettre en place un groupe de travail chargé de réfléchir à une réponse juridique envisageable pour faire face à ces situations extrêmes.

Ce midi, j’ai appris que cette personne se trouvait actuellement dans un hôpital liégeois. A 15h, on m’apprenait qu’après avoir été lavé et que ses plaies aient été nettoyées, il a quitté l’hôpital.

Dès lors, je n’ai d’autre possibilité pour l’instant que d’attendre l’audience du 2 avril prochain.

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