Débat sur le terrorisme à la Chambre

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Mercredi 15 juillet 2015

 

Intervention de Willy Demeyer en séance plénière de la Chambre sur le débat « terrorisme » du mercredi 15 juillet 2015

 

Monsieur le Président, 

Monsieur le Ministre,

Chers Collègues. 

Les textes dont nous allons débattre sont évidemment importants.

Importants pour le gouvernement, qui a fait son cheval de bataille de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. 

Importants aussi pour notre démocratie, car ce sont des valeurs importantes qui sont mises en cause. 

Important, le thème du terrorisme l’était déjà pour le gouvernement précédent. Vous n’avez pas, mesdames et messieurs les ministres, le monopole de cette préoccupation. 

Permettez-moi de vous rappeler que c’est une ministre de la justice socialiste, Mme Onkelinx, qui, dès 2003, a posé les premiers jalons de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation : 

  • en créant la première loi sur les infractions terroristes, 
  • en créant l’OCAM, 
  • en renforçant les collaborations entre les services de renseignements, 
  • en leur donnant le cadre légal pour les méthodes de recherches de données,  
  • en mettant en place le mandat d’arrêt européen et plusieurs collaborations au niveau européen.

C’est un Premier ministre socialiste :

  • qui a mis en place la task force « Plan R », 
  • qui l’a décliné sur le plan local, 
  • et c’est sous ce gouvernement d’Elio Di Rupo qu’a été créée la plateforme opérationnelle de lutte contre le radicalisme et le terrorisme et la task force « Syrie » 

C’est sur la base de ces efforts que des succès importants ont été faits :

  • l’élaboration d’une stratégie impliquant les autorités locales, les bourgmestres – dont, faut-il le rappeler, bon nombre sont socialistes dans ce pays. 
  • Une action efficace au niveau des Régions et des Communautés, en matière de suivis et d’accompagnement des publics concernés. 

Quelle est la position du Parti socialiste ? Nous voulons des projets en matière de sécurité. Mais nous exigeons que des balises strictes soient posées. 

Mettre en place des stratégies, voter des lois dans le domaine, oui : les socialistes ne reculent pas devant leurs responsabilités. Mais des stratégies et des lois qui soient efficaces et qui mettent en balance l’objectif poursuivi et le respect des droits fondamentaux. 

La lutte contre le terrorisme et le radicalisme : évidemment ! Mais PAS aux dépends de l’Etat de Droit ou au prix de l’incertitude juridique pour tous les citoyens et résidants de ce pays. 

Il faut des mesures ciblées, concrètes et efficaces ! PAS de la poudre aux yeux ou des filets aux mailles si larges qu’ils n’atteignent aucun des objectifs qu’ils poursuivent. 

Je soulignerai au passage le timing. On nous annonçait, en janvier, dans des circonstances dramatiques, des textes pour la mi-février. Nous regrettons de devoir les examiner dans l’urgence, six mois plus tard ; en vue des vacances parlementaires. 

Je voudrais dire notre inquiétude. Nous parlons d’un sujet important. Nous traitons de principes qui sont au fondement de notre droit.  Or nous sommes sensibilisés par les plus hauts magistrats du pays. 

Nous sommes sensibilisés, de manière informelle, par les plus hautes autorités policières du pays. Et ces derniers nous disent qu’il est dangereux d’incriminer l’intention dans des circonstances où il n’y a aucun élément matériel. 

Il ne peut y avoir pour nous de condamnation sans qu’il y ait au moins début d’exécution d’une infraction. Dans un Etat de Droit, on ne condamne pas sur des présomptions. 

Nous n’avons pas peur. 

Au contraire, nous avons confiance dans notre Justice, et c’est la raison pour laquelle nous voulons que les moyens de la défense soient clairement établis et garantis à tous. Nous croyons au bien-fondé du droit international – et c’est pourquoi nous avons des doutes lorsque vous retirez la nationalité à une personne qui vit chez nous depuis toujours. Vis-à-vis de nationaux, nous attendons une autre attitude et un autre exercice du pouvoir. 

Nous avons aussi de l’attention pour une institution de ce pays, à savoir le Conseil d’Etat. Et quand celui-ci formule des critiques sérieuses… nous les prenons au sérieux… Mes collègues, qui interviendront dossier par dossier, auront encore des questions parlementaires à formuler à ce sujet. 

Mais j’affirme déjà ici que,  ces critiques, nous ne les balayons pas d’un revers de la main. Ce que nous voulons faire, c’est un travail parlementaire sérieux. 

Je l’ai dit, nous voulons des mesures efficaces. Et pour qu’une mesure soit efficace, il ne faut pas seulement de bons textes – que nous attendons toujours. Il faut aussi des MOYENS.  

Or j’ai eu l’occasion d’interroger à plusieurs reprises le Ministre de l’Intérieur à ce sujet. Je n’ai pas reçu de réponses rassurantes.

Ce ne sont pas les 200 millions dans une réserve interdépartementale, dont la Cour des Comptes doute qu’ils suffiront même à payer l’arriéré du SPF Justice qui nous rassurent ! 

Au contraire, on nous annonce une diminution unilatérale de la contribution belge à INTERPOL – dont le Conseil de Sécurité de l’ONU rappelle pourtant l’importance ! 

Nous avons ce débat en commission : on nous annonce une intention de privatiser des tâches de police au lieu de combler les trous dans les effectifs ! 

Alors que le dispositif belge a montré son efficacité, nous avons cette réalité :

  • Une justice sous-financée !
  • Des Services de police sous-équipés et qui doivent pallier à certains manquements d’effectifs. Voilà la réalité. 

Ce que vous nous proposez, c’est une batterie de mesures dont certaines sont des mesures symboliques, qui ne coutent pas un euro. Croyez-vous vous-même à leur efficacité ? Je n’en sais rien.

Je terminerai par un regret important :

  •  l’absence d’action dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d’argent sale. 
  • L’absence d’avancées en matière de gel des avoirs liés au terrorisme.

Des secteurs pourtant essentiels ! Mais qui ne sont pas, eux, aussi spectaculaires que ce que vous proposez. Ne serait-il pas plus efficace, chers collègues, de soutenir notre texte qui permet ce gel des avoirs des groupes terroristes et qui s’attaqueraient ainsi à leur capacité opérationnelle ? Pour cela, pour les mesures vraiment efficaces, il n’y a soudainement plus de majorité !

Le PS ne pourra donc pas soutenir ces mesures. Certainement pas par laxisme.  Mais par souci d’une législation efficace et pertinente. Mais par souci d’un meilleur respect des droits fondamentaux. 

Aujourd’hui, les terroristes cherchent à nier nos droits fondamentaux : ne les suivons pas dans cette direction. Mais écoutons plutôt nos magistrats et hauts policiers. Et travaillons ensemble dans cette direction. 

Terrorisme

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