Des Villes vers l’Europe - Comité des Régions

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Mardi 10 décembre 2013


Monsieur le Président,
Cher(e)s Collègues,
Mesdames, Messieurs en vos titres et qualités,

Je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour témoigner de l’importance pour les villes d’être acteur de la prévention au niveau européen.

Comme vous le savez, la Belgique a une relation forte à l’Europe, relation qui s’exprime également dans la gestion de la sécurité urbaine, au travers de l’adhésion de nombreuses villes au Forum.

En effet, c’est fin 1992, dans un contexte post-émeutes à Bruxelles et post-électoral qui vit apparaître une forte présence de l’extrême-droite que le Gouvernement fédéral belge (Ministère de l’Intérieur) entama les premières réflexions sur les projets pilotes de « Contrat de Sécurité ».

Dès 1995, cette volonté d’ouverture et de décloisonnement des pratiques de gestion de l’insécurité urbaine ont amené la Ville de Liège a rejoindre le Forum Européen et à participer à la mise en place de son pendant belge.

Actuellement, le Forum belge rassemble 88 (sur 105) communes développant une politique de prévention.
Depuis sa création, le Forum belge défend le maintien d’une politique de prévention cohérente, efficace et correctement financée.

Cette volonté de mener une politique de prévention globale et intégrée, a permis à la Ville de Liège de développer de nombreux projets pilotes en partenariat avec les autorités académiques et les différents acteurs concernés.

Ainsi, en 20 ans, Liège a, entre autres :

  • professionnalisé l’encadrement des noyaux durs de supporters au travers du Fan Coaching et du projet GOAL (soutenu par la Commission) ;

 

  • travaillé à l’élaboration d’une charte déontologique des bonnes pratiques en matière d’utilisation des caméras (programme européen Citizen & CCTV) ;

 

  • participé aux programmes DrugsCities ou Safer Drinking Scenes.

C’est fort de ces soutiens méthodologiques ou de ces échanges que nous avons également réalisés, en Belgique, la première expérience pilote de délivrance de diacétylmorphine (héroïne médicale) à des toxicomanes en échec avec les traitements de substitution classiques, dont l’Université de Liège vient de publier les recommandations.

Toujours dans le cadre de la Toxicomanie, je viens de déposer une proposition de Loi visant à autoriser la création de Salles de consommation à moindre risques. Dans ce contexte, nous comptons bien évidemment sur le soutien du Forum et des villes partenaires pour nous aider à assurer la bonne réalisation de notre projet.

La sécurité urbaine est plus que jamais au cœur des préoccupations tant des autorités publiques que des citoyens et les défis ne manquent pas pour assurer le maintien de la cohésion sociale dans nos cités.

Ainsi donc, le rôle de défenseur des politiques locales de prévention du Forum Européen est plus que jamais d’utilité. En effet, les répercussions de la crise financière frappent aujourd’hui de plein fouet les administrations locales.

Ce qui  nous amène à mieux définir nos priorités d’action et à mieux structurer nos stratégies en matière de prévention et d’action sociale.

Nous devons donc faire mieux avec moins, renforcer la cohérence globale en articulant encore mieux les différents plans d’actions répondant à des logiques d’interventions policières, sociales, préventives, sanitaires ou administratives.

En cela nous serons aidés par la décision du Gouvernement fédéral belge d’aligner les politiques de prévention sur les Plans stratégiques des zones de police et d’assurer un financement jusqu’en 2017. Je suis convaincu que ceci ne peut que renforcer l’action publique sur le terrain. Les Régions wallonne et bruxelloise adoptant elles aussi des plans de financement pluri-annuels.

On peut se réjouir de ces décisions politiques qui clairement vont aider les autorités locales à structurer leur politique de prévention des insécurités et des inégalités.

En effet, puisque la Belgique finance sa politique de prévention depuis 1993, cela a permis aux dispositifs de prévention d’évoluer et de diversifier leurs actions.

Je me réjouis que l’instauration des politiques de prévention ait permis l’émergence de nouveaux métiers, de nouvelles filières de formation professionnelle et une reconnaissance académique qui se matérialise par un Master européen en prévention des insécurités urbaines.

Toutefois, il reste du chemin à parcourir en matière de statut d’un personnel atypique, aux fonctions multiples et aux profils particuliers qui reste dans un créneau d’emploi précaire.

C’est sur base de ce travail que les autorités locales sont désormais reconnues comme interlocuteurs des autorités européennes, fédérales ou régionales dans la gestion des problématiques sociales et sociétales du monde d’aujourd’hui.

Bien sûr, nous pouvons nous réjouir du fait que les Villes aient pu jusqu'ici maintenir le cap et continuent d'organiser une politique de prévention des insécurités urbaines directement en lien avec la cohésion sociale.

Mais je dois, au nom du Forum Belge exprimer notre inquiétude face à un avenir incertain.

En effet, face au défi de l’élaboration des budgets locaux à l’équilibre et au fait que la part communale des ces dispositifs devient de plus en plus importante, le risque est grand de voir les Villes obligées de se recentrer sur leurs compétences premières.

Qu’adviendra t-il alors de ces politiques visant à la prise en charge des plus faibles, à la cohésion sociale et au delà de cela au financement d’équipements collectifs vecteurs d’émancipation sociale et culturelle ?

Comme j’ai eu l’occasion de le dire au Président Barroso lors de sa visite à Liège le 17 octobre dernier, dans le cadre du grand dialogue citoyen qu’il a instauré, les collectivités locales ont besoin de l’appui de l’Europe pour assurer leur développement au niveau régional.

Ainsi, Liège a bénéficié d’importants fonds FEDER au cours de ces dernières années. Cela nous a permis de rénover notre Opéra, de créer un nouveau Théâtre ou de transformer notre musée d’Art Moderne en un Centre International d’Art de de Culture.

Tous ces projets sont vecteurs de développement pour notre Ville qui s’inscrit au travers d’une mutualisation des coûts dans une Communauté Urbaine d’un million d’habitants. Ce qui représente un poids critique au niveau européen.

Il est indispensable et urgent de prendre en compte ces préoccupations et de ne pas constamment ramener le coût de l’action sociale entre autre dans le champ des politiques d’austérité.

Car, certaines normes européennes ont désormais un impact direct  dans les finances des autorités locales.

En effet, désormais, l’Institut des Comptes Nationaux, qui se mue en gendarme de l’Europe, a annoncé que les Villes et communes seront soumises au contrôle européen d’austérité via le respect des normes S.E.C.95.

Cette règle interdit de financer l’investissement par l’emprunt. En caricaturant, cela équivaut à imposer à un ménage de payer en une seule fois et en argent liquide sa maison alors qu’il est capable de la financer par emprunt en assumant le paiement des mensualités.

Si l’on bride les capacités communales d’investissement au nom du dogme budgétaire européen, on diminuera les carnets de commandes de nombreuses entreprises et on réalisera moins d’infrastructures de proximité, pourtant indispensables à nos concitoyennes et concitoyens.

Notre démarche/réflexion a beaucoup évolué depuis le début des années 90 et la prise en compte des politiques de sécurité urbaine en Europe, mais nous sommes actuellement à un moment charnière dans la construction de cette Europe sociale, que tout le monde appelle de ses vœux mais qui ne trouve jamais à se concrétiser.

C’est l’une des raisons qui me motive, motive Liège, a promouvoir un texte aussi fort que du Manifeste d’Aubervilliers car la Sécurité, doit plus que jamais être garantie comme un droit fondamental et un élément indispensable à la qualité de vie dans les Villes.

Je vous remercie de votre attention.

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