Willy Demeyer s'attaque à la toxicomanie

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Lundi 21 novembre 2016

Un article de Gaspard Grosjean, La Meuse

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M. Demeyer, comme bourgmestre de Liège, vous êtes confronté au phénomène de la toxicomanie. Des espoirs étaient nés suite à l’expérience TADAM (traitement via la distribution contrôlée d’héroïne). Mais depuis, plus rien. Or, ce phénomène est de plus en plus visible…

Depuis mai-juin, nous devons être honnêtes, nous constatons que le phénomène est effectivement plus visible qu’avant. Dès lors, je pars du principe que je ne trouverai pas d’aide ailleurs, donc je prends mes responsabilités et souhaite travailler sur ce problème via trois aspects différents : Tadam, une salle de consommation et la problématique du cannabis.

Liège a expérimenté l’encadrement des héroïnomanes avec un traitement à base d’héroïne médicalisée (TADAM), mais depuis 2013, plus rien. On en est où ?

Nous nous sommes penchés sur le procès-verbal de la conférence interministérielle des drogues du 24 octobre dernier, sous la présidence de la ministre de la Santé, Maggie De Block. Nous avons dû constater que le compte rendu de cette réunion ne fait en rien mention de l’expérience TADAM qui s’est tenue à Liège, c’est-à-dire le traitement via une distribution contrôlée d’héroïne. La commission santé s’est penchée sur le sujet et une série d’avis ont été demandés et, par exemple, celui de l’Académie royale de médecine, est totalement positif.

Dès lors, quid maintenant ?

Il n’y a pas encore eu d’analyses de ces avis, c’est à relancer. Et je m’y emploie. C’était déjà compliqué sous le gouvernement précédent, je ne le cache pas, mais c’est encore plus compliqué maintenant. Là où je vois un signal toutefois, c’est que si la conférence interministérielle que j’ai évoquée précédemment n’évoque pas TADAM, elle ne condamne pas non plus le projet. C’est pourquoi je considère que le débat reste ouvert. De plus, tout ce qui est de l’organisation concrète des choses est au niveau des communautés.

Des « salles de shoot » ouvrent partout, sauf chez nous. Pourquoi ?

Là aussi, la conférence interministérielle a abordé le dossier et dit explicitement qu’une « telle salle offre la possibilité à des consommateurs précarisés de consommer leurs drogues sur place, en présence de personnel de soins. La loi belge interdit actuellement de telles salles et le gouvernement fédéral ne soutiendra pas une modification de cette loi. » Mais il y a encore un petit morceau intéressant qui dit que « le dossier fera l’objet d’une étude. » Je m’empare donc de ce morceau. C’est-à-dire ?

Il devrait vraisemblablement s’agir d’une étude académique, comme avec TADAM et l’ULg. Mais que constate-t-on également ? Que les salles de consommation sont aujourd’hui très répandues en Europe.84 salles dans 42 villes de sept pays. Plus les nouvelles salles de Paris et de Strasbourg ! Ma thèse serait donc que le Gouvernement couple cette étude académique à une recherche-action. Je vais solliciter cette recherche-action.

Pour faire une nouvelle expérience-pilote à Liège ?

Voilà. Je vais la solliciter. Je considère que Liège a la capacité à gérer ce type de projet. D’abord, nous avons le problème sur place, il est à traiter. Nous savons traiter l’aspect sécurité, nous savons impliquer les quartiers, nous savons travailler avec les intervenants de terrain, avec les usagers via les éducateurs de rue, avec l’université pour tout le suivi scientifique. Nous avons aussi l’expérience, avec la précédente expérience-pilote de Tadam, mais aussi un lieu.

Lequel ?

Les anciens locaux de Tadam, situés juste à côté du commissariat de police « Wallonie », rue de la Régence. Au début, certains disaient que personne ne viendrait à cause de ça. Mais au final, on a vu que c’était très bien comme ça : aucun désordre social, une bonne gestion de la police, des usagers rassurés. Mais encore une fois, il reste cet article de loi, au niveau fédéral, qu’il faut changer, car cet article punit expressément la mise à disposition d’un local comme moyen de faciliter l’usage de stupéfiants…

Comment agir si tout est bloqué à ce niveau ?

Dans un premier temps, je vais demander une dérogation ministérielle qui donne au ministre compétent, selon des conditions fixées, de soustraire certaines personnes de l’application de certaines dispositions de la loi si des raisons médicales, scientifiques ou d’intérêt public le justifient. Et là, tout est réuni.

Vous pensez agir quand, concrètement ?

Tout de suite ! Dans les prochains jours, je vais mettre en œuvre la demande. Je pense avoir une large majorité au niveau du conseil, à voir si le MR suivra. Je vais les questionner. Vous savez, nous avons fait le constat, avec la police et le collège, qu’il y a un malaise par rapport à la précarité. Les gens sont en même temps solidaires, mais aussi dérangés par ces manifestations de précarité et demandent que l’on trouve des solutions. Plutôt que d’être dans des tabous, de dire « mais non, cette toxicomanie n’existe pas », on essaie de trouver des solutions et ça, ça en est une. Ici, je considère que les autorités ne peuvent pas nous laisser comme ça. Copyright © 2016 gopress. Tous droits réservés Parce que nous sommes dans des difficultés importantes et nous sommes un peu coincés dans notre volonté d’agir. Sur la salle de consommation à moindres risques, nous devons le faire.

C’est la piste la plus chaude à court terme ?

Oui, la plus immédiate. Imaginons que le dossier puisse vite cheminer, en quelques mois, on sait mettre tout ça en place. Nous sommes allés en voir aux Pays-Bas, pour voir comment ça se passe.

Cela peut en choquer certains, mais ça ne l’est certainement pas plus que de voir ces personnes se piquer dans la rue. C’est une attitude progressiste dans le sens noble du terme.

Vous l’avez dit vous-même, Liège est fort touchée par la toxicomanie. Mais à quel point ?

C’est à la fois marginal mais visible et préoccupant. Préoccupant sous deux aspects. Le premier, c’est socialement. Cela peut être dérangeant et comme bourgmestre, je dois régler ça. De plus, les phénomènes de mendicité et de toxicomanie sont étroitement liés. Le second aspect, c’est individuellement, car ces personnes, qui sont en grande détresse, se détériorent.

Propos recueillis par Gaspard Grosjean @GasGrosjean

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