La mutation de Liège, un pari architectural - TrendsTendances

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Jeudi 17 septembre 2015

Article de Christophe de Caevel 

Ne lésinons pas sur les moyens et plongeons d’emblée dans le futur : cette visite de Liège, imaginons-la en tram, l’un des éléments structurants de la transformation de la ville avec ses 21 stations réparties sur 11km de rail. « Le tram structure notre projet car, d’une part, il reliera tous les grands pôles urbains et ramènera ainsi de la fluidité dans les déplacements, explique le député-bourgmestre Willy Demeyer (PS). Et d’autre part, il évitera l’engorgement. Il y a ici 100.000 élèves et étudiants, tous n’habitent pas en ville. C’est bien de rendre la ville plus attractive. Mais l’attractivité génère des flux et si nous ne maîtrisons pas ces flux, on risque de gommer l’attractivité. »

Notre périple débute à la gare des Guillemins. Une gare à 500 millions d’euros signée par le célèbre architecte catalan Santiago Calatrava. Démesuré? Cela le serait certainement si l’édifice, inauguré en 2009, n’était pas intégré dans une stratégie de développement urbain, misant résolument sur l’architecture contemporaine. Au bout de l’esplanade de la gare, l’impressionnante Tour Paradis appelée aussi Tour des Finances (bureau Jaspers-Eyers), et de l’autre côté de la Meuse, Boverie, le nouveau musée d’art contemporain,dont l’extension a été pensée par

Rudy Ricciotti. Et le privé suit le mouvement avec l’étonnant centre commercial Médiacité conçu par Ron Arad et, juste à côté, le futur aménagement du site Barvaux (100.000 m²) par le Néerlandais Rem Koolhaas.

Tout cela s’étale sur quelques centaines de mètres à peine et peut quasiment être embrassé d’un même regard, grâce à la démolition d’anciens bâtiments administratifs en face de la gare. «Nous avons lancé une succession de gestes architecturaux audacieux, se réjouit Willy Demeyer. Cela a fait débat au début mais, maintenant que les projets se concrétisent les uns après les autres, j’ai le sentiment d’être compris. Ces gestes, ce sont bien entendu des éléments de marketing pour Liège, mais surtout ils améliorent la qualité du cadre de vie, ils projettent la ville dans l’avenir. Les Liégeois y croient désormais, ils adhèrent totalement à la stratégie.»

 

Le totem de la tour des Finances

 

Cette stratégie débute, comme notre promenade imaginaire en tram, par la gare des Guillemins. Liège s’est battue d’abord pour avoir une gare TGV, reliant la ville à Cologne, Bruxelles, Paris, Amsterdam ou Londres. «Il fallait jouer à fond l’atout de notre position géographique exceptionnelle », explique Jean-Christophe Peterkenne, directeur Stratégie et Développement à la ville de Liège. Le TGV complète l’aéroport, le port autonome et, les Liégeois l’espèrent, une future connexion TGV fret. Le combat a ensuite continué pour que cette gare soit main tenue en ville plutôt qu’en périphérie.

 

Et, enfin, il a fallu convaincre de l’intérêt du pari architectural. « Les Guillemins devaient être bien plus qu’un abri pour voyageurs, cela devait être un outil d’affirmation de Liège et un symbole du renouveau», insiste Jean-Christophe Peterkenne. Manifestement, les arguments liégeois furent très convaincants. 

 

En face de cette gare, l’impressionnante tour des Finances ou tour Paradis, le plus haut bâtiment de la ville (118 m). Un violent coup de poignard dans le paysage ou une audace réussie? « La tour est adoptée, assure Willy Demeyer. Les Liégeois, surtout les jeunes, en parlent avec fierté. On la voit de partout, c’est devenu une sorte de totem.» Les fonctionnaires viennent d’y emménager. La société Fedimmo va prolonger cet investissement par l’aménagement de 35.000 m² de bureaux, de commerces et de logements entre la tour et l’esplanade de la gare. «La même qualité architecturale sera présente, poursuit le bourgmestre. C’est le rôle des pouvoirs publics: nous traçons la ligne directrice et le privé suit. Nous jouons notre rôle de vitrine et de stimulation de la créativité. Et, par ailleurs, un tel complexe construit le long du parcours du tram, c’est 50% de places de stationnement en moins. » 

D’autres aménagements privés sont prévus dans divers îlots du quartier et de sa prolongation de l’autre côté de la Meuse, vers la Médiacité. Depuis la gare, nous avons ainsi un axe d’à peine 1,5km de long et qui symbolise, selon Willy Demeyer, « le Liège du 21e siècle ». Des particuliers rénovent aussi leurs propriétés, notamment en bord du fleuve. L’endroit a été complètement réaménagé, avec de larges espaces dévolus à la romenade. «Maintenant, nous avons une digue», sourit Jean-Christophe Peterkenne. Ce reprofilage des quais a nécessité un investissement de 23 millions d’euros.

 

Plus qu’un musée, une presqu’île

Le tram doit bifurquer ici face à la Meuse. Mais les piétons et les cyclistes peuvent emprunter la toute nouvelle passerelle pour traverser le fleuve et rejoindre le parc de La Boverie et son ambitieux centre international d’art et de culture, baptisé Boverie. «C’est plus qu’un musée, c’est une presqu’île», s’exclame avec emphase Willy Demeyer. Le lieu est en effet encadré par la Meuse et sa dérivation, et propose un magnifique jardin, une roseraie, un accès au RAVeL en plus du musée. Celui-ci a subi une rofonde rénovation (il avait été construit pour l’exposition universelle de 905) et, surtout, il accueille une étonnante extension contemporaine du bâtiment. Ce dialogue entre le respect du patrimoine et l’inscription dans le présent, voire le futur, avait déjà été initié avec la rénovation de l’Opéra royal de Wallonie (2012), un lieu qui attire régulièrement des spectateurs allemands ou néerlandais. 

Le musée Boverie sera inauguré en mai prochain avec une exposition baptisée «En plein air». Elle mêlera des oeuvres provenant des collections communales et... du Louvre. Le projet liégeois a en effet séduit les dirigeants du célèbre musée parisien. Ils ont conclu un contrat de artenariat, prévoyant une exposition annuelle pendant trois ans. «Cela montre que les gens du Louvre croient en cette ville et en sa stratégie de développement, se félicite le bourgmestre. Sans notre gare TGV, sans les autres investissements de haute qualité architecturale, nous n’aurions pas le Louvre. C’est l’effet multiplicateur le redéploiement prend corps.»

Un peu plus loin, il y a donc la Médiacité (la reconversion d’un ancien laminoir) et le pôle image où, outre les studios de la RTBF, on trouve une trentaine de startup spécialisées dans les métiers de l’audiovisuel. C’est ici que l’on a conçu les éclairages du dernier Astérix et les effets spéciaux du film De rouille et d’os.

 

Redensifier la ville

Il est temps de retraverser la passerelle et de retrouver notre tram. Direction : le terminus et le futur écoquartier de Coronmeuse, le site où se tient le festival Les Ardentes. Avec des logements basse énergie pour quelque 3.000 personnes, l’ambition est d’en faire le plus grand écoquartier de Wallonie. Ici aussi, l’investissement public sert de levier: les 30 millions injectés dans la dépollution et l’aménagement du site doivent conduire à 300 millions d’investissements privés. 

«Nous voulons à la fois redensifier la ville (Liège était passée sous les 200.000 habitants, Ndlr) et ramener de la qualité de vie, explique Willy Demeyer. Cette qualité ne doit pas être réservée à la périphérie. » D’où ce soin apporté à la création de nouveaux quartiers, en veillant aux espaces publics et aux innovations technologiques (smart cities). L’écoquartier sera développé selon la technique du «dialogue compétitif». Il s’agit de partenariats public-privé, dans lesquels le public fixe des objectifs d’aménagement et laisse aux entreprises en compétition la responsabilité de définir les solutions techniques appropriées.

PHOTOS : Denis Vasilov/BELGAIMAGE

 

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